Blocus des ports, test, intimidation : pourquoi la Chine mène des opérations militaires autour de Taïwan

Déc 30, 2025 - 07:05
Blocus des ports, test, intimidation : pourquoi la Chine mène des opérations militaires autour de Taïwan

La Chine a poursuivi ce mardi matin ses manœuvres militaires débutées hier autour de l’île de Taïwan. Le premier jour de ces opérations avait constitué en une simulation d’un blocus des ports de Taïwan. Ces dernières heures, la Chine aurait franchi un cap en opérant des tirs de roquettes dans le détroit. Le tout dans un contexte de tensions particulièrement fortes après une vente d’armes américaines massive à cette île qui a déployé ses propres forces en riposte et dénoncé l’« intimidation » de Pékin.

Taïwan, qui a de son côté dit avoir « mené un exercice de riposte rapide », a déclaré mardi avoir détecté 130 avions militaires chinois ainsi que 22 navires autour de l’île en 24 heures, alors que la Chine mène une deuxième journée d’exercices nommés « Mission Justice 2025 ». La veille, Taïwan avait annoncé avoir détecté 89 avions militaires, ainsi que 28 navires de guerre et des garde-côtes chinois, à proximité de son territoire. Il s’agissait alors du nombre le plus élevé d’avions chinois signalés en une seule journée depuis le 15 octobre 2024.

Le ministère taïwanais de la Défense, tout en qualifiant le Parti communiste chinois d’« agresseur », a en outre fait état, sans autres précisions, d’une formation de navires d’assaut amphibie chinois opérant dans le Pacifique occidental. Mais ce mardi matin, Taïwan a semblé vouloir calmer le jeu : le président Lai Ching-te a promis que Taïwan n’allait ni « provoquer » Pékin ni « aggraver les tensions », alors que la Chine a entamé mardi une deuxième journée de manœuvres militaires simulant le blocus des ports de l’île. « Nous agirons de manière responsable, sans aggraver les tensions ni provoquer de disputes », a-t-il écrit dans un message publié sur Facebook.

La Chine aurait par ailleurs tiré des roquettes dans le détroit de Taïwan ce mardi matin, au cours de sa deuxième journée d’exercices militaires à munitions réelles autour de l’île. Des journalistes de l’AFP présents à Pingtan, l’île chinoise la plus proche de l’île principale de Taïwan, ont vu une salve de roquettes exploser dans les airs vers 9 heures, laissant derrière elles des traînées de fumée blanche.

Le président américain Donald Trump avait pourtant dit lundi ne pas être préoccupé par ces manœuvres, affirmant ne pas croire que son homologue chinois Xi Jinping puisse ordonner une invasion. « Je ne crois pas qu’il le fera », a-t-il dit à des journalistes en parlant du président chinois, depuis sa résidence Mar-a-Lago, en Floride. Également interrogé pour savoir si les exercices lancés lundi par la Chine pour simuler le blocus des ports de Taïwan l’inquiétaient, le président américain a répondu : « Non, rien ne m’inquiète. »

« Situation périlleuse de guerre imminente »

« Toute manœuvre malveillante visant à entraver la réunification de la Chine est vouée à l’échec », a quant à lui assuré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian, pendant une conférence de presse régulière. « Les forces extérieures qui tentent d’utiliser Taïwan pour contenir la Chine et d’armer Taïwan ne feront qu’encourager l’arrogance des partisans de l’indépendance et pousser le détroit de Taïwan dans une situation périlleuse de guerre imminente », a-t-il mis en garde.

La Chine considère Taïwan comme faisant partie de son territoire et menace de recourir à la force militaire pour s’en emparer. Les tensions dans le détroit ont été ravivées par une vente d’armes massive des États-Unis à Taipei mi-décembre, la deuxième depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, pour 11,1 milliards de dollars au total, soit le montant le plus important depuis 2001.

Le chef de la diplomatie chinoise a ainsi déclaré ce mardi matin que la Chine « s’opposerait fermement » aux ventes d’armes par les États-Unis à Taïwan, qu’elle considère comme faisant partie de son territoire. « En réponse aux provocations continues des forces indépendantistes à Taïwan et aux ventes d’armes à grande échelle des États-Unis à Taïwan, nous devons bien sûr nous y opposer résolument et les contrer avec force », a affirmé le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, dans un discours prononcé à Pékin.

La Chine avait déjà répondu la semaine dernière en infligeant des sanctions à 20 entreprises américaines du secteur de la défense. Cette démonstration de force à grande échelle intervient également après des semaines de disputes diplomatiques entre Pékin et Tokyo au sujet de Taïwan, la Première ministre japonaise Sanae Takaichi ayant laissé entendre en novembre que son pays pourrait intervenir militairement en cas d’attaque contre cette île. Une déclaration qui a suscité l’ire de la Chine.

Des chasseurs survolent la zone

Des journalistes de l’AFP présents à Pingtan, l’île chinoise la plus proche de Taïwan, ont aperçu deux chasseurs en train de survoler la zone et un navire de guerre au loin. Des touristes présents sur les lieux, qui flânaient et prenaient des photos, ont dit tout ignorer des manœuvres en cours.

« À partir du 29 décembre, le Commandement des zones orientales de l’APL (armée chinoise) déploie ses troupes de l’Armée de terre, de la Marine, de l’Armée de l’air et de la Force des missiles pour effectuer des exercices militaires conjoints baptisés Mission Justice 2025 », avait expliqué en début de matinée dans un communiqué le colonel Shi Yi, le porte-parole du Commandement chinois.

Les troupes chinoises avaient indiqué se focaliser sur « les patrouilles de préparation au combat air-mer, la saisie conjointe de la supériorité globale, le blocus de ports et de zones clés, ainsi que la dissuasion multidimensionnelle », a souligné l’officier. Dans un communiqué séparé, une carte a montré cinq zones autour de Taïwan où étaient prévus les « tirs à munitions réelles ».

Des navires proches des côtes

« Pour des raisons de sécurité, il est conseillé à tout navire ou avion non concerné de ne pas pénétrer dans les eaux et l’espace aérien susmentionnés », avait-il aussi été précisé. « En réponse au mépris des autorités chinoises pour le droit international et à leur utilisation de l’intimidation militaire pour menacer les pays voisins, Taïwan exprime sa ferme condamnation », avait réagi la porte-parole de la présidence de Taïwan, Karen Kuo.

Les exercices de cette semaine sont « un sérieux avertissement adressé aux forces séparatistes de l’indépendance de Taïwan et ils constituent une action légitime et nécessaire pour préserver la souveraineté et l’unité nationale de la Chine », avait jugé Shi Yi.

Des navires chinois devraient « s’approcher de l’île de Taïwan à très courte distance en provenance de différentes directions », avait-il précisé.

Taïwan a pour sa part déclaré que certaines des zones désignées par la Chine pour ces manœuvres se trouvaient à moins de 12 milles marins de ses côtes. L’Administration de l’aviation civile taïwanaise a fait savoir que Pékin avait décrété une « zone de danger temporaire » pour une durée de dix heures mardi, « ce qui devrait perturber le trafic aérien dans la région ». Conséquence, selon elle, plus de 100 000 passagers, répartis sur 857 vols intérieurs, internationaux et de transit, seront affectés ce jour-là.

Tomas Kauer - News Moderator https://www.tomaskauer.com/