L’Algérie exige des « excuses officielles » et des « réparations » : ce que contient la loi criminalisant la colonisation française

Déc 25, 2025 - 07:01
L’Algérie exige des « excuses officielles » et des « réparations » : ce que contient la loi criminalisant la colonisation française

Un texte symbolique ? Le Parlement algérien a adopté à l’unanimité ce mercredi 24 décembre une proposition de loi criminalisant la colonisation française. Le texte, composé de cinq chapitres et 27 articles, est jugé comme « une initiative manifestement hostile, à la fois à la volonté de reprise du dialogue franco-algérien, et à un travail serein sur les enjeux mémoriels », a réagi dans la soirée le ministère français des Affaires étrangères. Le Parisien fait le point sur son contenu.

« Torture » et « essais nucléaires »

La loi votée liste les « crimes de la colonisation française » perpétrés entre 1830 et 1962, qualifiés de « crime d’États » et jugés « imprescriptibles » : « essais nucléaires », « exécutions extrajudiciaires », « pratique de la torture physique et psychologique » à large échelle et « pillage systématique des richesses ».

Le texte dénonce aussi la « collaboration des harkis », le nom donné aux auxiliaires algériens de l’armée française, et la qualifie de « haute trahison ». Est listée une série de dispositions pénales visant les personnes qui feraient « l’éloge ou la promotion » de la colonisation française. Les peines prévues peuvent aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

« L’État algérien s’efforce, par tous les moyens et mécanismes juridiques et judiciaires, d’obtenir la reconnaissance et les excuses officielles de la part de la France pour son passé colonial », résume l’article 9 du texte de loi.

« Une indemnisation pour tous les dommages matériels et moraux »

Au chapitre des exigences d’Alger, le Parlement demande des « réparations » pour le passé colonial français, et notamment la décontamination des sites où ont eu lieu des essais nucléaires. Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 17 essais sur plusieurs sites dans le Sahara algérien.

En outre la loi stipule qu’« une indemnisation complète et équitable pour tous les dommages matériels et moraux engendrés par la colonisation française est un droit inaliénable pour l’État et le peuple algériens ».

La conquête de l’Algérie, qualifiée de « violation du droit international » par la loi, a été marquée par des tueries massives et la destruction de ses structures socio-économiques ainsi que par des déportations à grande échelle. De nombreuses révoltes ont été réprimées avant une sanglante guerre d’indépendance (1954-1962) qui a fait 1,5 million de morts algériens selon l’Algérie, 500 000 dont 400 000 Algériens selon les historiens français.

Des conséquences pour Paris ?

« Juridiquement, cette loi n’a aucune portée internationale et ne peut donc obliger la France », a commenté pour l’AFP Hosni Kitouni, chercheur en histoire de la période coloniale à l’université britannique d’Exeter. Mais « elle marque un moment de rupture dans le rapport mémoriel avec la France », a-t-il estimé.

« Nous continuons de travailler à la reprise d’un dialogue exigeant avec l’Algérie, qui puisse répondre aux intérêts prioritaires de la France et des Français, en particulier s’agissant des questions sécuritaires et migratoires », assure le ministère français des Affaires étrangères.

Le vote intervient au moment où Paris et Alger restent empêtrés dans une crise diplomatique, à la suite de la reconnaissance à l’été 2024 par la France d’un plan d’autonomie « sous souveraineté marocaine » pour le Sahara occidental. Plusieurs épisodes ont depuis aggravé les tensions, comme la condamnation et l’incarcération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, finalement gracié à la faveur d’une intervention allemande.

Tomas Kauer - News Moderator https://www.tomaskauer.com/