« Une parodie de justice » : à Hongkong, l’opposant pro démocratie et magnat des médias Jimmy Lai reconnu coupable de sédition

Déc 15, 2025 - 07:01
« Une parodie de justice » : à Hongkong, l’opposant pro démocratie et magnat des médias Jimmy Lai reconnu coupable de sédition

L’ancien magnat des médias pro démocratie de Hongkong Jimmy Lai a été reconnu coupable lundi dans son procès pour atteinte à la sécurité nationale, risquant une peine maximale de prison à perpétuité, dans l’une des décisions de justice les plus marquantes depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997.

Jimmy Lai a été reconnu coupable d’un chef d’accusation de sédition, et de deux chefs d’accusation de collusion avec l’étranger. Ces deux derniers chefs se basent sur la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin après les vastes manifestations pro démocratie, parfois violentes, qui ont secoué Hongkong en 2019.

« Il ne fait aucun doute que M. Lai a nourri sa rancœur et sa haine envers la RPC pendant une grande partie de sa vie d’adulte et cela apparaît dans ses articles », a déclaré la juge Esther Toh à la cour, utilisant l’acronyme désignant la République populaire de Chine. « Il est également clair pour nous que le premier accusé, bien avant l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, réfléchissait à la manière dont les États-Unis pourraient faire pression sur la RPC », a-t-elle ajouté. Jimmy Lai, resté silencieux et impassible à l’énoncé du verdict, risque la prison à perpétuité pour ces chefs d’accusation. Les peines seront prononcées à une date ultérieure, il pourra faire appel.

Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a qualifié cette décision de « parodie » de justice. « Cette condamnation digne d’une parodie de justice est un acte de persécution honteux », a déclaré Beh Lih Yi, directrice Asie-Pacifique du CPJ, qui estime que « la décision souligne le mépris total de Hongkong pour la liberté de la presse, qui est censée être protégée par la mini-constitution de la ville ».

Le cas de Jimmy Lai, considéré par les défenseurs des droits comme emblématique de l’érosion des libertés politiques à Hongkong, est devenu un sujet de discorde entre Pékin et de nombreux pays occidentaux. Le président américain Donald Trump avait appelé à sa libération lors d’une rencontre en octobre avec son homologue chinois Xi Jinping.

Fondateur d’un journal pro démocratie

Disposant d’un passeport britannique, le fondateur du journal pro démocratie Apple Daily, aujourd’hui fermé, est emprisonné depuis 2020. Âgé de 78 ans, il est maintenu à l’isolement, « à sa demande » selon les autorités. Il est apparu devant la cour plus mince qu’avant son emprisonnement, saluant silencieusement les personnes venues le soutenir d’un sourire et d’un hochement de tête.

En plus des accusations de collusion, passibles de la prison à vie, l’ancien magnat est poursuivi pour 161 « publications séditieuses », parmi lesquelles des talk-shows sur les réseaux sociaux et des éditoriaux signés de son nom. Au cours de son procès, ouvert en décembre 2023, Jimmy Lai a plaidé non coupable et affirmé n’avoir jamais prôné le séparatisme ou la résistance violente. Il a également nié avoir appelé à des sanctions occidentales contre la Chine et Hongkong.

« Les valeurs fondamentales de l’Apple Daily sont en fait les valeurs fondamentales du peuple de Hongkong », dont « l’État de droit, la liberté, la recherche de la démocratie, la liberté d’expression, la liberté de religion, la liberté de réunion », a-t-il affirmé.

Jimmy Lai souhaitait une « Chine libre et démocratique », a indiqué à l’AFP un ancien employé de l’Apple Daily, connu sous le nom de Chan, faisant la queue devant le tribunal lundi aux côtés d’une centaine de personnes. « Il aimait beaucoup le pays, il n’aimait simplement pas le régime », a-t-il ajouté.

Un procès sur ses opinions politiques

« Il est regrettable que le tribunal décrive à tort l’attitude de Jimmy Lai envers le PCC comme étant son attitude envers la Chine ou le peuple chinois », analyse Éric Lai, chercheur au Centre de droit asiatique de l’université Georgetown. Selon lui, le discours du tribunal « correspond à la manière dont la propagande du PCC tente d’effacer la distinction entre le parti au pouvoir et le peuple qu’il gouverne. »

« Cette condamnation parodique est un acte de persécution honteux », a dénoncé Beh Lih Yi, directrice Asie-Pacifique du Comité de Protection des Journalistes (CPJ), estimant que « la décision souligne le mépris total de Hongkong pour la liberté de la presse ». Les autorités de l’ex-colonie britannique, désormais région chinoise à statut spécial, ont affirmé que cette affaire avait été « traitée uniquement sur la base de preuves et conformément à la loi ».

Pékin « soutient fermement » Hongkong dans « le maintien de la sécurité nationale conformément à la loi et la répression des actes criminels qui mettent en danger la sécurité nationale », avait affirmé vendredi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun.

Tout au long du procès, Jimmy Lai a répondu à des questions portant sur ses opinions politiques, son style de management et ses contacts à l’étranger. Il s’est décrit au moins deux fois comme un « prisonnier politique », s’attirant des reproches des juges. Les enfants du magnat, réfugiés aux États-Unis, ont fait part la semaine dernière d’inquiétudes concernant la santé de leur père en détention. Le gouvernement de Hongkong a souligné que M. Lai était soumis aux mêmes conditions de détention que « les autres détenus » et qu’il recevait des soins médicaux « adéquats et complets ».

Tomas Kauer - News Moderator https://www.tomaskauer.com/