Un an de la dissolution : notre Top 11 des ascenseurs émotionnels
Bardella, Ciotti, Bertrand, Beaudet, Castets... ils sont légion à avoir espéré le meilleur cette année, avant de voir leurs espoirs douchés.
Le cœur palpitant, projet de gouvernement à la main ou rêve de grande réforme en tête, ils se sont vus un instant en haut de l’affiche d’une France où tout était à refaire. Patatras ! En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, c’était fini. Ciao le joli maroquin, arriverderci la Rue de Varenne.
Voici notre top onze des pires ascenseurs émotionnels vécus depuis la dissolution, dont on fêtera le premier anniversaire ce lundi 9 juin.
1) Le RN, si proche et si loin du but
La liste de Jordan Bardella venait d’écraser la concurrence aux élections européennes, terminant en tête avec plus de 16 points d’avance sur la liste macroniste Besoin d’Europe. Dans la foulée de la dissolution, le RN, aidé par son nouvel allié Eric Ciotti, caracolait en pole position des intentions de vote aux législatives anticipées.
Dès lors, comment ne pas y croire ? Le 23 juin, Bardella, aussi président du parti et promis pour Matignon, évoque dans la presse son futur gouvernement. Le lendemain, il disserte sur sa vision de la cohabitation, comme sa patronne la donnera deux jours plus tard, après consultation de constitutionnalistes. Les cerveaux lepénistes cogitent aussi sur leur stratégie dans le cas où ils n’obtiendraient qu’une majorité relative. Et les résultats du premier tour les confortent : avec 33,14% des voix, le mouvement à la flamme peut sereinement espérer faire élire plus de 289 députés.
Mais le “front républicain” se réactive dans l’entre-deux-tours, entraînant plus de 200 désistements de candidats poussés par leur état-major pour empêcher une victoire du RN dans leur circo. Les casseroles conspirationnistes, racistes, antisémites, climatosceptiques des “brebis galeuses” du RN, regrettées par leur patron himself, comme les errements programmatiques de celui-ci, n’arrangent rien : c’est l’union de la gauche qui arrive finalement en tête. La douche du 7 juillet au soir est glacée pour le RN, bien que les effectifs du groupe à l’Assemblée nationale croissent d’un bon tiers.
Retour à l’ostracisation, au moins le temps pour les autres partis de se partager les postes à responsabilité du Palais-Bourbon. Un an plus tard, les responsables du RN jurent être prêts à repartir en campagne s’il le faut, et avoir tiré les leçons de ces ratés.
2) Eric Ciotti, le capitaine finit sur un radeau
Souvenez-vous de ce jité du 11 juin 2024, où, à la stupéfaction générale, Eric Ciotti, alors encore président des Républicains, annonce avoir passé un accord avec le RN. Pariant sur la victoire du parti lepéniste (et sans plus d’espoir d’obtenir un maroquin d’Emmanuel Macron), le député des Alpes-Maritimes se voit déjà ministre d’un gouvernement Bardella.
Sauf que les négociations ont été tenues tellement secrètes que les députés sortants, qu’il pensait embarquer avec lui, se cabrent très vite. Et que Ciotti ne peut plus compter que sur ses nouveaux amis pour parvenir à investir des candidats dans les 70 circonscriptions que lui laissent les lepénistes.
La suite tourne au vaudeville : Annie Genevard, secrétaire générale du parti, demande toutes affaires cessantes un bureau politique pour pousser son chef à faire ses cartons ; le siège des LR est fermé à double tour sur ordre de Ciotti, désormais exclu, puis rouvert par Genevard ; de multiples recours sont déposés contre une éviction définitive du même Ciotti qui n’en finira plus d’être reportée.
Et puis les deux tours des législatives, et ce score : les candidats estampillés “Les Républicains à droite” (futur UDR) ne décrochent au bout du compte que 17 sièges au Palais-Bourbon. Tout juste de quoi constituer un groupe. Mais pas idéal pour peser entre le RN et ses 143 députés, et LR (47 députés).
3) Xavier Bertrand s’y voyait déjà
Au mitan de l’été, Xavier Bertrand surfe sur une puissante hype autour de sa candidature à Matignon. Il se dit carrément “prêt à relever le défi” via son entourage dans Le Figaro Mag. Un signe qui ne trompe pas : Sabrina Agresti-Roubache, ministre démissionnaire et proche du couple Macron, a été encouragée en très haut lieu à parler de lui en termes forts laudatifs sur les plateaux de télévision, rapporte Playbook Paris.
Le président des Hauts-de-France a donc de bonnes raisons de penser qu’il serait choisi. Il parvient même à convaincre Laurent Wauquiez de, peut-être, soutenir sa démarche. Sauf que le RN, notamment, fait vite savoir qu’un gouvernement dirigé par lui serait automatiquement censuré. Pschitt, l’hypothèse Bertrand. Place à la rumeur Cazeneuve !
4) Bernard Cazeneuve, un ballon d’essai déçu
Fin de l’été 2024, l’Elysée en est “en bas de l’entonnoir” concernant son choix de Premier ministre — une expression en vogue alors, qui voulait dire, en gros, que le nombre de candidats considérés n’était plus très élevé. Parmi eux, Bernard Cazeneuve, le dernier Premier ministre de François Hollande, fait figure de favori.
Las : l’hypothèse s’effondre quelques jours plus tard. Notamment parce que les siens au Parti socialiste — le premier secrétaire Olivier Faure en tête — tirent dans les pattes de celui qui n’a pas mâché ses mots contre le tout jeune Nouveau Front populaire (NFP), et n’est plus encarté au PS depuis 2022. Mais aussi parce que le président, comprend très vite Cazeneuve, n’a jamais vraiment eu l’intention de le nommer…
5) Sébastien Lecornu, jamais deux sans trois ?
Lui a vécu non pas un, mais deux ascenseurs émotionnels en un an. Le ministre des Armées a été pressenti pour être Premier ministre en août, avant que Michel Barnier ne soit nommé à la surprise de tous (enfin pas celle de Playbook Paris, qui l’avait vu venir avec quelques heures d’avance).
En décembre, les choses iront encore plus loin (ou l’ascenseur plus haut) : l’ancien maire de Vernon commence carrément à discuter de sa future équipe ministérielle çà et là et se croit presque nommé, quand Emmanuel Macron cède à la pression de François Bayrou et le choisit au dernier moment, après un entretien avec ce dernier.
6) Roland Lescure et le banc de touche
Un autre récit a pourtant circulé : ce matin du 13 décembre, avant sa discussion avec François Bayrou, ce n’est pas seulement Sébastien Lecornu qu’Emmanuel Macron avait en tête pour le poste de Premier ministre, même si tout laisse à penser que le ministre des Armées avait ses faveurs. Le nom de Roland Lescure, son ancien ministre de l’Industrie et un proche de son désormais ex-secrétaire général au Palais, Alexis Kohler, a lui aussi circulé.
Car oui, tout semblait bien engagé pour lui, quand, en marge d’une remise de décorations, le Franco-Canadien, défenseur depuis plusieurs mois d’une “coalition des ‘républicains des deux bords’”, fut reçu par le président de la République. Et puis non — “effet Catherine Vautrin”, d’après la formule d’un collaborateur élyséen.
7) La frustration des amateurs de référendum
Peut-être êtes vous de ceux-là, ou peut-être, hélas pour vous, n’aviez vous pas encore le droit de vote le 29 mai 2005, date du dernier référendum, qui portait sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Les espoirs de ceux qui se languissaient de dire “oui” ou “non” ont été fort attisés (et douchés) en un an.
Récapitulons : lors de ses vœux du 31 décembre, Emmanuel Macron a indiqué vouloir demander aux Français “de trancher certains sujets déterminants” (sans jamais prononcer le mot “référendum”). Le 13 mai, sur TF1, après avoir diantrement fait monter le suspense pendant quelques jours, le président a fini par évoquer la possibilité d’un référendum sur les écrans en se gardant d’être concret ou même clair sur les modalités pratiques de l’organisation d’un tel scrutin.
Le même soir, le président émettait l’idée que la réforme sur la fin de vie pourrait être soumise à l’approbation populaire… si et seulement si elle venait à être bloquée par le Parlement.
François Bayrou lui aussi y est aussi allé de son idée au printemps, en suggérant que les Français votent sur les économies à consentir pour 2026, malgré le scepticisme de l’Elysée. Faut-il le préciser ? A ce jour, rien ne semble se concrétiser.
8) Lucie Castets, un tribut à ses dépens
L’aurions-nous jamais connue sans la dissolution ? Son nom à peine proposé à l’issue de longues semaines de tergiversations et d’un accord PS-LFI, la candidate à Matignon du NFP s’est vue opposer un refus présidentiel immédiat, avant de se faire royalement ignorer quelques semaines durant par un Emmanuel Macron ayant décrété une “trêve politique” jusqu’à la fin des JO 2024.
Cette inconnue du grand public, énarque, conseillère économique et directrice des achats et des finances de la mairie de Paris, a pourtant mouillé le maillot en s’offrant notamment une tournée des universités d’été des partis du NFP.
Pas dégoûtée de la politique, elle continue d’attendre son tour en militant pour l’union de la gauche. Elle vient aussi de publier un livre (Où sont passés nos milliards ?, Seuil).
9) Huguette Bello, le va-tout des communistes
Les bookmakers n’auraient sans doute pas parié sur l’irruption d’Huguette Bello dans la mêlée, mais voilà : la présidente du conseil régional de La Réunion aurait elle aussi pu être la candidate à Matignon du NFP. La chose a très vite capoté, le PS opposant son veto à cette proche de Jean-Luc Mélenchon, et Huguette Bello finissant par dire qu’elle ne voulait pas de Matignon.
Peu se souviennent que son nom avait été proposé par Fabien Roussel pour caresser les Insoumis dans le sens du poil, et se prémunir contre la volonté de fusion des dissidents Insoumis avec le groupe Ecologiste et les élus GDR (constitué de communistes et d’élus ultramarins). Huguette Bello, justement, poussait pour que les élus des îles passent au groupe Insoumis. Ou que, a minima, ils ne siègent pas avec les ex-Insoumis.
10) Thierry Beaudet, le technicien de secours
Le 2 septembre, voilà que les couloirs élyséens bruissent de concorde avec L’Opinion d’un nouveau nom : celui de Thierry Beaudet. A peine les journalistes politiques ont-ils le temps de chercher à savoir qui est ce nouvel inconnu (pour votre information, il s’agit du président du Conseil économique, social et environnemental) que, le 3 septembre, il est déjà oublié.
Entretemps, donc, la proposition lui a été faite, avec un nom pour diriger son cabinet. C’était sans compter une levée de boucliers des Marcheurs historiques, de François Bayrou, et même des élus Liot, contre ce technicien consensuel et peu clivant, du genre à se faire “manger par les crocos”, rapportait alors un conseiller.
11) Violette Spillebout… et tous les autres
Ils sont légion, comme elle, a avoir été envisagés comme membres du gouvernement cette année, avant d’être déçus, remous politiques de l’année oblige. Il y eut le LR Nicolas Forissier ou le député EPR Mathieu Lefèvre. Violette Spillebout y a cru, à ce poste de ministre de l’Education nationale sous Michel Barnier.
Quand le couperet est tombé — ce ne serait pas elle, mais Anne Genetet —, la députée du Nord et désormais candidate à la mairie de Lille a écrit un tweet se réjouissant d’avoir été pressentie et fustigé à la télévision les “vents contraires très puissants”, dont on lui a dit “qu’ils venaient du Nord” (de la mairie de Lille, semble-t-il).
Sarah Paillou et Elisa Bertholomey ont contribué à cet article.
What's Your Reaction?






